N’attaquez pas d’un As !

As de pique

L’As de pique

Il y a quelques années, j’avais tenté d’inculquer cette notion à mes élèves, en en faisant le thème d’un trimestre entier : ne gâchez pas vos As ! Dix ans plus tard, je m’aperçois, dans mon club, que le rendement de ces décilitres de salive n’a pas été excellent, les comportements n’ayant guère changé dans l’ensemble. Seuls quelques-uns, qui sont maintenant très honorablement classés, ont très bien compris cette notion.
Rappelons qu’un As n’a rempli son rôle que s’il a réussi à prendre un honneur (Roi, Dame, voire Valet). Pour cela, il faut bien que cet honneur ait été joué avant l’As dans le pli ! On ne voit pas comment, en attaquant une levée d’un As, on pourrait prendre un honneur (sauf si celui-ci est sec) ! Cette simple évidence échappe encore à trop de monde… Bien sûr, si l’As est accompagné du Roi, la perspective est différente, puisqu’on contrôle toujours la couleur attaquée. Mais même dans ce cas, on risque de faire cadeau à l’adversaire d’un temps dans l’affranchissement de sa couleur secondaire. Pensons-y en permanence, surtout si la couleur attaquée est courte.
Bien entendu, diverses excuses fusent dès que le partenaire a fait remarquer qu’en attaquant ainsi, on avait livré une levée : « J’ai entamé l’As pour voir le mort » (fallacieux et surtout dangereux, sauf dans des cas bien répertoriés), « je ne savais pas quoi jouer, et j’ai espéré que vous me feriez un appel » (plan de jeu de la défense insuffisant), « j’ai eu peur d’empailler mon As », etc. Ce qui est vrai pour l’entame l’est également pour n’importe quelle attaque d’une carte maîtresse isolée dans le cours du jeu. Le résultat est de livrer bien souvent une levée illégitime à l’adversaire.
Le résultat de tout cela, c’est que lorsqu’on attaque d’un As (ou d’une carte devenue maîtresse), on promet la carte équivalente immédiatement inférieure. Les exceptions existent, bien sûr – comme toujours au bridge : pas d’autre choix, moins mauvais retour, etc. – mais le principe doit rester ancré. Et dans ce cas – paradoxalement ? – il vaut mieux entamer de l’As le plus long, et non dans As second ou As sec. Pourrait-on entamer sous l’As ? Non, car entamer sous l’As à la couleur, reste une énormité. A tout prendre, il vaut mieux entamer l’As !
Pour plus de détails sur cette fameuse attaque de l’As, j’ai ressorti pour vous un ancien cours dans lequel j’avais espéré que les explications seraient claires (cliquez ici). Elles l’étaient, mais elles ont été vite oubliées… Gardez donc les As pour assurer la chute, ou jouez-les à bon escient – après que votre partenaire vous ait signalé un complément par exemple, ou parce qu’une hypothèse de nécessité est apparue.
La couleur à jouer et la carte juste, dans cette couleur, sont justement tout l’enjeu de ce merveilleux casse-tête du bridge qu’est le jeu de la carte. Il vaut mieux, en règle générale « rendre la main » à l’adversaire et le laisser se dépatouiller avec ses couleurs que de jouer soi-même de travers une couleur où l’on ne détient qu’un honneur (même si le partenaire en détient un aussi !), et même (surtout ?) si cet honneur est maître !
Terminons par un conseil que j’espère utile, tant il l’a été avec mes propres partenaires : n’entamez pas d’un As isolé, même si la couleur a été annoncée par votre vis-à-vis au cours des enchères ! Celui-ci, qui sait que vous deviez par principe entamer dans sa couleur, en déduira qu’il y avait un inconvénient majeur à le faire. Et il n’y a que deux cas possibles : vous aviez une chicane (peu probable), ou plutôt, surtout, vous possédiez l’As ! Dès qu’il aura la main, il jouera soit le Roi (il a confiance, vous avez l’As), soit sous son Roi si le plan de jeu l’exige (même confiance), soit même (jackpot) sa Dame dans Dame-Valet pour cravater le Roi de votre adversaire de droite. Retenez donc cet adage : « Si mon partenaire n’a pas entamé dans ma couleur, c’est qu’il y possède l’As ! ».

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