Le SEF 2018

La Bible expliquée par la peinture,                                  Gérard Denizeau, Larousse, 2015

La plupart d’entre vous a dû faire l’acquisition du SEF (Système d’Enseignement Français) 2018, notre nouvelle bible du bridge. Il nous est présenté comme modernisé et plus complet que l’édition précédente de 2012, et, de fait, il s’est très nettement étoffé. La présentation elle-même a été entièrement repensée, et il apparaît donc en réalité comme un outil nouveau, dont l’esprit même est en rupture avec l’édition précédente.

La seule notion absolument constante, concernant le SEF depuis ses débuts en 1983, et qui est dûment rappelée dans sa préface, est qu’il ne doit pas être considéré comme un ouvrage permettant d’apprendre le bridge. Cette vérité, qui vous est rappelée tout au long du présent site, est encore plus vraie avec la dernière version. Le SEF est un ouvrage qui relève à la fois du « Dictionnaire » et du livre de « référence ». Il ne doit servir que rétrospectivement, lorsqu’un problème s’est présenté à la table, ou en cours de travail du bridge, pour vérifier le bien fondé d’une affirmation ou pour répondre à une question ponctuelle.

Pourquoi insister, particulièrement depuis cette dernière version, sur cette façon de penser le SEF ? Parce que si les premières versions, jusqu’à 2012, pouvaient servir à tous les joueurs, même débutants, la version 2018, selon les dires mêmes de ses concepteurs, est un référentiel de connaissances communes qui s’étend de la 4ème série majeure à la 2ème série majeure. De très nombreuses notions abordées ne peuvent l’être que si vous êtes en 2ème série, ou même en train de concourir pour arriver en 1ère série. Or, les connaissances nécessaires pour s’asseoir honorablement à une table sont en fait très peu nombreuses, finalement très simples et, surtout, doivent être solidement ancrées dans un socle que vos professeurs s’emploient à construire dans votre esprit. Ce n’est qu’à partir de ces notions de bases incontournables que vous pouvez ensuite construire, petit à petit, votre système, qui sera bien entendu in fine le SEF. Bref, vous l’aurez compris, le SEF 2018 a perdu de sa simplicité, car il a voulu « faire une synthèse factuelle des techniques de bridge résultant de la consultation des meilleurs enseignants français ».

Alors, le SEF 2018 contient-t-il vraiment beaucoup de nouveautés par rapport à ses version antérieures ? En vérité, on y trouve plusieurs sortes de modifications : 1°) les simples « nuances », mais qui sont parfois difficiles à gérer ; 2°) les changements vrais, qui touchent des notions anciennes qu’il faut donc réviser ; 3°) l’application de nouvelles conventions, jouées par beaucoup de joueurs depuis longtemps, mais qui n’avaient pas encore été intégrées. Voici un certain nombre d’exemples (la liste est loin d’être exhaustive) :

1°) Les « nuances » : une notion importante a été abordée, qui était à peine mentionnée précédemment, celle de main semi-régulière, qui comporte exactement 2 doubletons (5-4-2-2 ou 6-3-2-2). Et le SEF 2018 rajoute la possibilité d’ouvrir d’1SA avec ce type de main lorsque l’on possède 15 ou 16H (attention : pas 17). La raison est que la redemande peut être « délicate » si on l’ouvre normalement. C’est vrai si vous êtes déjà familiers avec la notion d’anticipation. Sinon, je vous recommande absolument d’abandonner la possibilité d’ouvrir des mains semi-régulières d’1SA, si vous n’êtes pas en 2ème série majeure ! Ce sera beaucoup plus simple, pour vous, de continuer à traiter les mains 5-4-2-2 comme des bicolores, et les mains 6-3-2-2 comme des unicolores. C’est ce que vos professeurs vous enseignent, tenez-vous y !

2°) Les « changements vrais » : ils sont peu nombreux mais peuvent être importants, car ils peuvent entraîner des « pataquès ». Premier exemple : en 2012, l’intervention par Contre sur l’ouverture d’1SA était punitive (main régulière à partir de 18-19HL ou bien 7 levées visibles dans la main du contreur). En 2018, ce Contre devient une convention « mineure-majeure » (une mineure 5ème au moins, une majeure 4ème). Autre exemple : après une intervention à 1SA, l’enchère de 2SA du répondant n°3, qui était un cue-bid forcing (sans enchère naturelle et sans main de « contre »), devient un « Truscott », c’est-à-dire une main fittée avec 5 atouts en mineure et 4 atouts en majeure, avec 11+HLD. Troisième exemple, de simplification cette fois : les enchères de réponse à l’ouverture de 1SA avec un bicolore majeur : sans espoir de manche, Texas ♠ puis passe ; avec une main de manche, 4 ; avec un espoir de chelem, Texas ♠ (2) puis 3.

3°) Les « introductions » : il y en a un certain nombre, et ce sont en général des conventions jouées depuis longtemps par les champions, mais qui n’avaient pas été encore intégrées dans le SEF : la défense contre les Michaël précisés (SEF 2018, p. 23), la « convention 2012 » après Stayman et réponse de 2/♠ (l’annonce de l’autre majeure au niveau de 3 par le répondant indique un fit et une ambition de chelem, SEF 2018, p. 26), le Texas « modulé » (rectificaton fittée) sur l’ouverture de 2SA (SEF 2018, p. 38), le « Rubensohl », l’« auto fragment-bid », le « super-forcing » (bicolore cher à saut), etc., etc.

Une des conséquences immédiates de la publication de ce nouveau SEF est que le présent site devient en partie obsolète, et qu’il faudra du temps (et du travail), pour le mettre entièrement à jour. De nombreuses pages ont déjà été « modernisées » mais beaucoup reste à faire. Il arrive souvent que vous, lecteurs fidèles, me signaliez tel ou tel changement à apporter, et je vous suis évidemment reconnaissant d’attirer mon attention sur ces points. Cependant, vous devez garder à l’esprit ce qui est la base de tout progrès dans notre jeu : ne mettez pas la charrue avant les bœufs ! N’essayez pas à tout prix d’apprendre la totalité du SEF, car c’est absolument impossible ! Continuez à apprendre petit à petit, leçon après leçon, et « débrouillez-vous » à la table avec vos connaissances, et surtout ce que vous avez compris (et non appris, comme le titre du site le suggère). Après les cours débutants, et en arrivant vers le milieu des cours de 1ère année (ou de 4ème série), vous devez avoir déjà un peu compris l’esprit qui sous-tend les enchères. Tout le reste n’est que du perfectionnement !

Un point important, qui risque de poser de gros problèmes pour tous ceux qui jouent en tournoi de régularité avec des partenaires différents. Il faudra vous assurer, avant les tournois, que telle ou telle nouveauté du SEF est connue de votre partenaire. Sinon, contentez-vous du SEF 2012, ou tout simplement de ce que vous avez appris comme socle des enchères. Très peu de conventions sont indispensables. Voici un rappel des principales d’entre elles. Pour les débutants, 4ème série et 3ème série mineures : Majeure 5ème, meilleure mineure (très important), 1SA 15-17, 2SA 20-21, Stayman, Texas, Misère dorée, Roudi, Contre d’appel, Contre Spoutnik simple, Surcontre, Blackwood 5 clés (30-41). Pour les 3ème série majeures : Chassé-croisé, Sous-Texas, Splinters, Contre Spoutnik généralisé, certains cue-bids simples, quatrième couleur forcing. Pour les 2ème série mineures : Convention 2012, Drury, Landy, Truscott, Michaël cue-bids, Rubensohl. Pour les 2ème série majeures et 1ère série mineures : 3ème couleur forcing, Mini-cue-bid, Contre Lightner. Bien d’autres conventions et variantes existent, mais elles sont du domaine des champions. N’écoutez surtout pas ceux qui vous les proposeraient à la table, sauf si vous êtes en 1ère série, bien entendu !

Pour compléter ces réflexions sur le SEF 2018, je me dois de vous signaler quelques outils qui pourraient vous être très utiles (en dehors du présent site !) :

1°) Les Cahiers de l’Université du Bridge (CUB#1, CUB#2, CUB#3, CUB#4 et CUB#5, tomes parus), qui sont en cours de publication et qui complètent et explicitent de façon remarquable le SEF. La présentation est très agréable, et les auteurs sont des champions et des pédagogues prestigieux : Philippe Cronier, Vincent Combeau, Michel Bessis, Norbert Lébely, Jean-Paul Balian, et les autres…

2°) Je vous recommande également un site très pédagogique, Vu-Bridge, qui, contrairement à « Comprenez le Bridge », vous permet de jouer sur l’écran en donnes préparées et commentées carte à carte par de grands experts. On ne peut jouer que dans un ordre logique et chaque erreur est expliquée. Un résumé de ce qu’il fallait faire est présenté après chaque donne. Il s’agit donc d’un excellent entraînement pour tous ceux qui veulent réellement progresser, un peu sur le mode du Pas à pas, méthode bien connue de Robert Berthe et Norbert Lébely. Trois niveaux existent en français (le logiciel était primitivement américain, donc en anglais) : débutant, intermédiaire, avancé. Un petit inconvénient, il est payant (pas très cher…). Ceci dit, vous pouvez y trouver trois donnes par semaine gratuites, à titre de test, avant de vous lancer à acheter des paquets de donnes. Un autre petit problème peut parfois survenir au cours des enchères, car elles ont été faites sur le modèle américain, en fait très proche du SEF. L’adaptation française tient compte de cet inconvénient et doit en principe avoir tout corrigé. Un certain nombre de commentaires renvoient d’ailleurs au présent site, où vous pourrez donc retrouver vos cours favoris !

Chers amis bridgeurs, ce SEF « étoffé » l’a été, comme le soulignent les auteurs, « afin que les joueurs qui le consultent comme une référence puissent disposer plus souvent des réponses aux questions qu’ils se posent ». Il sert donc à tous les joueurs, quel que soit leur niveau, dès qu’ils veulent se mettre d’accord sur une méthode à jouer lors de leurs tournois. Les élèves, eux, doivent continuer à apprendre à leur rythme, pour bien assimiler et comprendre ce qui se passe autour d’une table. Une seule référence pour eux : ce que leur enseigne leur professeur. Je vous souhaite une excellent progression.

Olivier CHAILLEY

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